Wednesday 27 April 2011

Aux origines du 1er mai : Les Etats-Unis au temps des robber barons et l'Association Internationale des Travailleurs


Les robber barons, les barons brigands, ce sont les grands magnats du capitalisme triomphant qui profitent de la gigantesque expansion industrielle que connaît les USA dans la seconde partie du 19ème siècle pour amasser des fortunes colossales.
Le gouvernement est entièrement dans la poche de la classe capitaliste et met en place une politique du “laissez faire” qui rejette en bloc toute réglementation à caractère sociale.
Les faveurs électorales sont ouvertement mises aux enchères. La politique apparaît comme un système de corruption généralisée où les grosses fortunes mettent le pays en coupe réglée, et où même le parti travailliste-populiste de l'époque, le Greenback-Labour Party, est dans la poche des puissants.
Les grands industriels de l'époque, Rockfeller, Morgan ou Gould, écrasent les grèves ouvrières en donnant aux grévistes “des balles à bouffer” et se vantent de pouvoir “embaucher la moitié de la classe ouvrière pour fusiller l'autre moitié”.

Décus des maigres résultats obtenus par le parti travailliste-populiste et rendus furieux par la répression meurtrière des grandes grèves de 1877 dans le secteur des chemins de fer, des militants du Parti Socialiste Ouvrier (Socialist Labor Party), surtout allemands et tchèques, commencent à débattre de la “question de la violence”. Bien que les dirigeants du SLP rejettent la violence et prônent une alliance éléctorale avec le parti Travailliste-Populiste, certains militants s'organisent en “unions d'éducation et de combat” (Lehr-und-Wehr-Vereine). Ce sont des clubs de tir où des ouvriers s'initient aux armes à feu.

Pendant ce temps, à Londres, un congrès international d'anarchistes fonde en 1881 l'Association Internationale des Travailleurs/International Working People's Association (AIT/IWPA), qui se veut l'héritier direct de la 1ère internationale des travailleurs.

Cette nouvelle internationale trouve un terreau fertile parmi le prolétariat sur-exploité des USA et les membres américains prennent le nom de “révolutionnaires sociaux” (social revolutionaries) pour se démarquer des courants réformistes et électoralistes.
Les principaux agitateurs “révolutionnaires sociaux” sont Albert Parsons et sa compagne métisse Lucy Parsons, August Spies, Adolf Fischer, George Engel, Samuel Fielden, Oscar Neebe et Michael Schwab, bref, les futurs “martyres de Chicago” qui payeront très cher leur engagement.
Ces révolutionnaires sont à pied d’œuvre principalement à Chicago, le centre industriel des Etats-Unis de l'époque. Ils diffusent des tracts révolutionnaires et s'adressent à des milliers d'ouvriers sur les piquets de grève.
En 1883, le congrès de Pittsburgh de l'AIT établit une organisation solide et un programme révolutionnaire, le manifeste de Pittsburgh.
Les ouvriers qualifiés et les artisans de Chicago, menacés par la mécanisation et l'automatisation des grandes usines, rejoignent l'AIT et fondent de nombreux syndicats (métallurgie, ébénisterie, …) regroupés dans la Chicago Central Labour Union (L'union centrale des syndicats de Chicago). Qui dépasse rapidement en nombre d'adhérents les vieux syndicats réformistes.
Pour eux, le syndicalisme est à la fois le moyen pour atteindre une société communiste et un exemple vivant de ce à quoi une société fondée sur la coopération devrait ressembler. Ces militants de Chicago sont en fait les premiers à formuler les idées du syndicalisme révolutionnaire et de l'anarcho-syndicalisme.
L'électoralisme et le réformisme sont leurs principales cibles. Les élections sont considérées comme “la plus grande des foutaises”.
Comme à cette époque, les hommes de mains et les tueurs à gage des grands capitalistes (la Pinkerton agency, la Coal and Iron Police) n’hésitent pas à “donner un régime de balles à bouffer” aux grévistes, la question de la violence révolutionnaire est une autre de leurs préoccupations. Si tous les membres de l'AIT ne sont pas pour la lutte armée, de grandes figures telles que Lucy Parson, n'hésitent pas à conseiller aux vagabonds, aux mendiants et aux chômeurs d' “apprendre à utiliser la dynamite”. Et chaque fois que les milices patronales tirent sur une foule de grévistes, comme lors de la grève des mineurs de l'Ohio, “l'armement des travailleurs pour contrer les parasites capitalistes” revient à l'ordre du jour.
Naturellement, l'anti-électoralisme et l'apologie de la violence, coûtent à l'AIT le soutien de nombreux ouvriers, qui considèrent le vote comme la seule façon d'améliorer les conditions d'existence des travailleurs.
Cependant, à partir de 1884, l'AIT décide de soutenir et de développer l'agitation pour la journée de 8 heures. Cela ne se fait pas sans un certain nombre de débats internes sur le caractère “réformiste” de cette campagne.
La lutte pour la journée de 8 heures prend une ampleur considérable avec des centaines de milliers d'ouvriers en grève dans le cœur manufacturier de l'Amérique et un nombre grandissants de militants choisissent de se ranger aux côtés de l'AIT.

La classe dirigeante décide alors d'éliminer les principaux militants de l'AIT à Chicago. Et c'est ainsi que Spies, Parsons, Engel, Fischer, Lingg, Fielden, Neebe et Schwab seront tenus responsables de la bombe lancée lors du rassemblement de Haymarket en mai 1885 et condamnés à mort, au cours d'un procès délirant où le procureur déclare que c'est “l'anarchisme qu'il faut condamner”. Spies, Parsons, Engel, Fischer, Lingg seront pendus le 11 novembre 1886 (le black Friday , vendredi noir). Ils furent par la suite officiellement innocentés, mais leur mort avait outré les socialistes du monde entier et fait d'eux les “martyres de Chicago”. Le premier mai devint la fête des travailleurs en leur mémoire.

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